Programme > Atelier enquêter sur les violences sexistes et sexuelles dans son établissement

 

ATELIER : Faire une enquête en ESR

Coordination : Sylvie Cromer et Catherine Marry (ANEF)

Les violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur et la recherche restent encore largement taboues, malgré leur dénonciation systématique en France depuis 2002 grâce à la création du collectif étudiant Clasches (Collectif de Lutte Anti-Sexiste Contre le Harcèlement Sexuel dans l'Enseignement Supérieur). Absence d’enquêtes et de sensibilisation, insuffisance des procédures, carence de dispositifs de prise en charge…, tels sont quelques-uns des constats de Clasches, relayés également par l’Association nationale des études féministes (2012, 2014). A partir de 2012, les politiques publiques mettent en place plans d’action, chartes, recommandations pour prévenir les comportements sexistes et les violences sexuelles dans le milieu universitaire et de la recherche. De fait les actions se développent au sein des établissements, comme en témoigne la 2ème édition du vademecum ANEF-CLASCHES-CPED (2017). Si les témoignages rassemblés par les associations, les dispositifs d’écoute, plus récemment sur les réseaux sociaux (tel Paye ta fac, initié par des étudiant.e.s en communication de l’université d’Avignon) permettent d’appréhender les violences, des données quantitatives sur la prévalence, les recours, les conséquences et les parcours ne sont pas encore disponibles en France. L’enquête quantitative Virage (Violences et rapports de genre : contextes et conséquences des violences subies par les femmes et par les hommes) dans différentes sphères de vie, et notamment au cours des études, menée par téléphone par l’Institut national d’études démographiques (Ined) en 2015 en France métropolitaine, et parallèlement, les 4 enquêtes par internet auprès des étudiant.e.s de quatre universités apporteront dès la fin 2017 des premiers éléments, à l’échelle nationale et à l’échelle des universités. La feuille de route du MENESR de 2017 invite les établissements d’enseignement supérieur et de la recherche à effectuer un diagnostic des phénomènes de violences sexistes et sexuelles et «  à s’appuyer sur l’expertise d’une telle enquête (Virage) pour mener la leur. » (p. 49).

Dans ce contexte, il est apparu nécessaire :

- d’analyser les modalités des enquêtes existantes en France et à l’étranger 

- de réfléchir aux possibilités de réplication et de mutualisation

L’atelier se déroulera en 2 temps :

a) dans un premier tour de table, chaque intervenant.e :

- explique le contexte de l’enquête, la mise en place, le partenariat

- donne des précisions méthodologiques : échantillon / représentativité des réponses / construction des catégories (violences sexuelles, discriminations…)/ exemples  de questions(fermées, ouvertes) /  difficultés

- montre quelques résultats majeurs

-  explicite la réception de l’enquête.

b) Dans un 2e temps, chacun.e propose des principes de base pour lancer une enquête et des préconisations pratiques pour mener à bien l’enquête puis pour diffuser les résultats.

Intervenant.e.s :

1)  Enquête Sexualité Sécurité Interactions en Milieu Universitaire Québec, Essimu: Manon Bergeron, Université du Québec à Montréal (www.essimu.quebec<http://www.essimu.quebec),

2) Enquête Violence et Rapports de Genre, Virage Université : Elizabeth Brown, Université de Paris 1 ; Alice Debauche, Université de Strasbourg ;  Arlette Gautier et Pierre-Guillaume Prigent, Université de Bretagne Ouest ; Zahia Ouadah-Bedidi , Université Paris 7 (http://virage.site.ined.fr/fr/publications/documents_de_travail/)

3)  Enquête sur la perception des violences sexuelles et des discriminations : Pascal Tisserant, Université Lorraine et Joël Kaddour, docteur en psychologie

4)Lutte contre le sentiment d'insécurité des étudiantes sur les campus universitaires : Jane Sadran, chargée de mission à l'IEP de Bordeaux, Yves Raibaud,   Université de Bordeaux Montaigne

Résumés et présentation des intervenant.e.s

Enquête Sexualité, Sécurité et Interactions en Milieu Universitaire (ESSIMU)

Manon Bergeron

À la suite de revendications portées par le Collectif contre le sexisme à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), une équipe de 12 chercheures a mis en chantier une étude pour établir un portrait des violences sexuelles se déroulant en milieu universitaire, intitulée « Enquête Sexualité, Sécurité et Interactions en Milieu Universitaire (ESSIMU) : Ce qu’en disent étudiant.es, enseignant.es et employé.es». En janvier 2017, l’équipe ESSIMU a dévoilé les résultats finaux de cette étude d’envergure provinciale à laquelle ont participé 9 284 personnes, étudiant ou travaillant dans six universités québécoises francophones. L’enquête ESSIMU constitue une première initiative au Québec pour documenter les violences sexuelles non pas exclusivement auprès de la population étudiante, mais auprès de toute la communauté universitaire, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des murs de l’université. 

Manon Bergeron (Ph.D) occupe un poste de professeure au Département de sexologie de l’Université du Québec à Montréal (Canada. Ses intérêts de recherche concernent les violences sexuelles envers les femmes et les adolescent.es, tout particulièrement le développement et l’évaluation des stratégies de prévention.  Tous ses travaux de recherche se réalisent en étroite collaboration avec les milieux de pratique au Québec, et tparticulièrement en partenariat avec le Regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS).

L’enquête Virage à l’UBO

Arlette Gautier et Pierre-Guillaume Prigent

L’UBO fait partie des quatre universités françaises qui ont participé à l’enquête Violence et Rapports de Genre réalisée par l’INED. Une équipe pluridisciplinaire a été constituée. Méthodologie. Il s’agit donc d’une enquête quantitative avec un volet d’enquêtes qualitatives, dont seuls dix entretiens ont pu être retranscrits. Doyens, associations étudiantes et enseignants ainsi que des affiches, papier et électroniques ont été mobilisés pour inciter les étudiants à répondre. Le questionnaire a été diffusé de janvier à mai 2016 auprès de 17451 étudiant.e.s majeur.e.s et a été rempli intégralement par les 1395 étudiant.e.s. Il a été recueilli et apuré par un institut de sondage. Pour compenser le fait que toutes les catégories n’ont pas également répondu, les pourcentages ont été pondéréspar l’INED. Les traitements réalisés relèvent pour le moment des statistiques descriptives. Les difficultés. S’il a été facile d’obtenir l’accord du CFVU et du CA pour la réalisation de l’enquête, d’autant qu‘une circulaire de 2013 impose la création de cellule d’accompagnement des victimes, aucun appui logistique ou financier n’a pu être obtenu. De plus, la diffusion des résultats de l’enquête semble être perçue comme une atteinte à l’image de l’université. Nos recommandations portent surtout sur la nécessité de monter une équipe soudée et une coalition de soutien à l’enquête.

Arlette Gautier est professeure de sociologie à l’Université de Bretagne Occidentale et membre du Centre de Recherche Bretonne et Celtique (EA 4451). Ses recherches portent sur les transformations des régimes de genre en contexte colonial et postcolonial. Elle est responsable de l’enquête VIRAGE à l’UBO.

Pierre-Guillaume Prigent est doctorant en sociologie à l'Université de Bretagne Occidentale, et travaille sur les mécanismes de la violence masculine contre les mères séparées et leurs enfants. Il est également membre de l'équipe VIRAGE-UBO.

Enquête sur la perception des violences sexuelles et des discriminations

Pascal Tisserant et Joël Kaddour

La mission égalité - diversité de l'université de Lorraine a invité 22692 de ses étudiant.e.s à répondre à un questionnaire portant sur leur perception des violences sexuelles (harcèlement sexuel et agression sexuelle) et des discriminations à l'égard de six critères (âge, handicap, sexe/genre, orientation sexuelle, origine et religion). Les résultats provenant des 4020 répondant.e.s (62% de femmes et 38% d'hommes) démontrent que 19% déclarent avoir été victime sur un ou plusieurs critères et que le harcèlement sexuel fait plus de victime que n'importe quelle discrimination. Ces perceptions ne peuvent pas être assimilées à des faits mais elles traduisent un phénomène qui, loin d'être marginal, nécessite d'être pris en compte au sein des établissements d'enseignement supérieur.

Pascal Tisserant, maître de conférence en psychologie sociale, est vice-président délégué à l'égalité - diversité à l'université de Lorraine. Ses recherches portent sur les stéréotypes, la discrimination et les idéologies de la diversité.

Joël Kaddour, docteur en psychologie, est consultant indépendant

Lutte contre le sentiment d'insécurité des étudiantes sur les campus universitaires

Yves Raibaud et  Jane Sadran

En 2015 et 2016 à Bordeaux, la projection du film "Terrain de chasse" dans plusieurs universités et une recherche sur le harcèlement sexuel dans les transports ont suscité une démarche collective des cinq chargé.e.s de mision égalité femmes hommes des universités et établissements d'enseignement supérieur du site universitaire Pessac Talence Gradignan. Il s'agissait de prendre en compte le profond sentiment d'insécurité des étudiantes sur ce campus éloigné du centre ville, exprimé depuis longtemps par les associations étudiantes et relayé plus récemment par les cellules de veille contre le harcèlement sexuel à l'université. Opération Campus, maître d'œuvre dans l'aménagement des sites universitaires bordelais, a accepté de financer des marches exploratoires en faisant appel à l'association A places égales, spécialiste des marches exploratoires dans les quartiers. Parallèlement les Observatoires de la Vie Etudiante des universités de Bordeaux et Bordeaux Montaigne se sont associés pour lancer une enquête sur les faits, lieux, heures et circonstances précises des agressions sexuelles, de la drague lourde à la tentative de viol ou viol. C'est ce travail portant sur les cinq premières marches exploratoires et le résultat de l'enquête (5000 réponses exploitées) qui sera présenté, ainsi que ses perspectives, notamment l'élaboration d'une "clause genre" préalable à toutes les opérations de rénovation du site à partir de l'année 2018.  (Pour Université de Bordeaux, Université Bordeaux Montaigne, Bordeaux Sciences Agro, Sciences Po Bordeaux, Institut Polytechnique).

Yves Raibaud, géographe, maître de conférences HDR à l' Université Bordeaux Montaigne, chargé de mission égalité femmes hommes et lutte contre les discriminations, membre du Haut Conseil à l'Egalité entre les Femmes et les Hommes. Ses recherches portent sur le genre et la ville, les masculinités, les cultures urbaines.

Jane Sadran, chargée de mission égalité à l'IEP de Bordeaux

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